Etant actuellement en stage B en Arts Visuels à l’établissement secondaire de Gland, j’enseigne ce semestre 12 périodes, à cinq classes de niveaux différents (de 9, 10, 11 et 12 éme RAC). 

À la suite de cet événement extraordinaire du Coronavirus, je me suis vite retrouvé à devoir complètement revoir mon enseignement des Arts Visuels. Notre établissement a mis en place un enseignement à distance avec l’entrée des Arts Visuels dès la deuxième semaine de confinement. Chacune de mes classes devait avoir une seule période d’arts visuels par semaine. Il fallait donc prévoir des séquences d’environ 45 minutes dans un premier temps.  Il a fallu s’organiser dans l’urgence et de manière réfléchie et efficace. Le début de la continuité pédagogique s’organisait. 

Nous avons donc mis en place notre enseignement à distance avec mes collègues de la file des arts visuels (dont mon Prafo fait partie). Il a fallu réfléchir, trouver des moyens de communiquer entre nous, planifier le travail pour les élèves, imaginer des séquences pertinentes avec les outils dont les élèves disposent chez eux. Quel outil favoriser, quelle technique mettre en avant ? Toutes ces questions nous sont apparues rapidement dans notre mise en place de l’enseignement à distance. Les directives de notre établissement étaient de ne pas proposer de support à imprimer pour les parents, d’éviter un maximum des travaux sur ordinateur car chaque élève ne dispose pas de son propre matériel informatique (il y a parfois un seul ordinateur pour toute une famille ou par foyer). 

Une riche collaboration entre les enseignants d’arts visuels se profilait. Chacun apportait ses savoirs et nous avons collaboré avec beaucoup de plaisir et un sens rigoureux des responsabilités. Il y’avait cette envie commune de saisir cette période si particulière et compliquée, comme une réelle opportunité de mettre les arts visuels et la créativité au premier plan de ce confinement. Dans les grandes périodes historiques de révolution et de pandémie, l’Art prend toute son envergure. Les artistes sont omniprésents. On découvre des merveilles créatives aussi bien sur le net ou sur d’autres supports. Nous avons une carte essentielle à jouer pour donner de la valeur à notre discipline des Arts Visuels.

Nous avons préparé des séquences pédagogiques pour chaque niveau pour l’enseignement à distance. Nous avons énormément collaboré entre nous en créant un espace de travail Google Drive et en faisant des vidéos conférence entre nous. Les plateformes numériques prenaient tous leur sens dans ces moments-là. Google Drive nous a permis de partager et mettre en place nos séquences, Teamup de les planifier et de communiquer le travail avec nos élèves, de nombreux mails ont été échangés avec nos apprenants. Nous avons défini des stratégies et des approches pédagogiques diverses pour cette nouvelle forme d’enseignement. Nous voulions absolument travailler sur l’actualité, sur ce que nos élèves vivaient durant ce confinement, nous voulions être au cœur de leur confinement et de leurs émotions. Cette période est une réelle opportunité créative et riche en idées. Nous avons donc proposé plusieurs séquences en rapport avec le COVID et le confinement (voir consigne de l’autoportrait et du masque ci-dessous). 

Pour les 9éme année je leur ai proposé de fabriquer leur casque masque de protection pour se protéger du coronavirus. Uniquement créé avec des matériaux de récupération et leurs propres inspirations. Une fois leur casque/masque réalisé, chaque élève devait nous envoyer une photo de leur création. Il devait se prendre en photo. Certains élèves nous ont carrément envoyé des vidéos à 360° présentant leur création.

Pour les 10éme année, je leur ai proposé un exercice de croquis que les élèves devaient me renvoyer et restituer par mail. Chaque élève devait dessiner des membres de sa famille en un seul trait au stylo noir. Cette séquence n’intègre pas directement de compétences numériques. Hormis celle du rendu informatique des réalisations. Chaque élève doit photographier son travail. 

Pour mes 11éme année et 12 éme année, je leur ai demandé de se mettre en scène en m’envoyant un autoportrait d’eux photographique, illustrant leur confinement et les différentes émotions qu’ils ressentaient. Chaque production devait être accompagnée d’un titre pour la photo et d’un texte expliquant leur mise en scène.

Dans ces séquences il n’y a pas directement une compétence MITIC enseignée, à proprement dite. Mais les élèves doivent utiliser les technologies numériques dans leurs créations, leur agenda team up, ainsi que leurs scans ou rendus. Chaque élève restitue à l’enseignant par mail son travail. Le travail de l’autoportrait doit être accompagné d’un commentaire que les élèves pourront faire via une application de traitement de texte ou directement dans la rédaction de leur mail. A la suite de cette expérience je me rends compte avec les premiers rendus que certains élèves font des montages photos avec leurs applications, recadrent leur production, colorisent, ajoutent des effets ou autres filtres…

 J’ai même eu la bonne surprise de découvrir qu’un de mes élèves tenait sa propre chaine You Tube ou il crée des vidéos et tutos artistiques. Dans la cadre de la séquence demandée lors de ce confinement, cet élève de 10éme année a créé une vidéo sur le travail demandé en croquis. On peut donc considérer que cet élève utilise de manière approfondie les MITIC. Je vous mets le lien de sa vidéo ci-dessous (à ne pas diffuser publiquement svp pour des questions de droit, même si sa vidéo est publique sur You Tube) :           
 

En tant qu’enseignant, nous avons proposé à nos élèves de travailler à l’aide de leur smartphone qui est en principe un outil banni des écoles. Notre monde de demain ne sera peut-être plus le même, c’est pourquoi, l’utilisation des smartphone interdits à l’école, devient du coup, un outil numérique formidable de créativité à la maison, quand il est utilisé de manière intelligente et subtile pour l’enseignement des AVI à distance. Tous nos élèves de 11-12 éme ont un smartphone. On trouve intéressant de l’utiliser en tant qu’outil pour remplir des objectifs créatifs et pédagogiques. Réfléchir sur sa réalisation, représenter et exprimer une idée, une émotion, se prendre en photo, cadrer, se mettre en scène jouer avec les luminosités, utiliser des filtres ou autres effets, retoucher, flouter sont toutes des actions essentielles de notre formation des arts visuels et de l’utilisation des technologies numériques.

Cela rejoint les compétences Sqily : Comprendre l’élève digital native et Utiliser les ressources numériques de son environnement de travail. 

En tant qu’enseignant je ressens une véritable responsabilité de l’apprentissage et du suivi des séquences demandées. Tout au long de ces semaines j’échange avec mes élèves sur la bonne compréhension des consignes, sur des feedbacks personnalisés sur leurs rendus et transferts par mail de leurs productions. Toutes leurs traces sont conservées dans notre espace Google Drive de la file d’arts visuels. Nous avons mis en place sur cet espace le partage des compétences, ressources et séquences entre enseignants. Et je vous parlerai ci-dessous dans le point suivant « Pédagogie » de la mise en valeur du rendu de nos étudiants. 

Le numérique sera continuellement présent lors des échanges entre les élèves et moi-même en tant qu’enseignant. Je garde un lien avec les élèves, commente leur travail et leur demande parfois de compléter leur rendu avec des éléments manquants de la consigne demandée. Cet accompagnement pédagogique est capital pour maintenir les élèves dans la discipline des arts visuels, guider le processus d’apprentissage, garder le lien humain avec mes élèves et être attentif à ce qu’ils sont en train de vivre. Je communique également avec leur maitre de classe. Les premières semaines étaient intensives et chronophages en mails, téléphones entre élèves et collègues. Mais cela fait partie de notre cahier des charges. 

Et quand je découvre les premières réalisations rendues, je suis très satisfait du résultat. Evidemment pas tous les élèves nous rendent une production lors de cet enseignement à distance. Mais je trouve que les rendus reçus sont plus personnels et nous découvrons le talent de certains élèves lors de ce confinement. Ils sont plus autonomes et doivent se familiariser avec leur environnement numérique en scannant et en rédigeant les mails de retour. Nous voyons les acquis ou retard dans ce domaine de certains élèves.

Concernant la valorisation des travaux d’élèves, nous avons mis en place avec mes autres collègues un système de concours pour stimuler les élèves en arts visuels durant le confinement. Tout d’abord nous avons un compte Instagram (« grandchampavi ») où nous mettons régulièrement les productions de nos élèves. Et durant cette période de confinement les dix meilleurs travaux de chaque séquence seront sélectionnés et publiés avec l’accord des élèves sur ce compte Instagram. Ce compte numérique est très suivi par les élèves de l’établissement. Les élèves sont très motivés par cette manière de valoriser leur travail. Cette période de crise qui oblige à l’introspection est d’une grande richesse créative pour nos élèves et leurs témoignages sincères peuvent devenir la mémoire d’un moment historique universel, qu’il nous semble important de pouvoir mettre en évidence avec ces très belles réalisations. L’environnement numérique prend tout son sens. 

En fin d’année nous allons également mettre en place (si nous regagnons nos établissements avant la fin de l’année) une exposition des travaux d’élèves durant le confinement et nous remettrons un prix pour les meilleurs élèves de chaque volée. Nous diffuserons également les vidéos numériques de certains élèves. La direction est très favorable à notre proposition. 

 

• Objectifs principaux de la continuité pédagogique

 - Maintenir les élèves dans l’apprentissage de la discipline des arts visuels
 - Consolider et continuer l’apport de connaissances et d’acquis à nos élèves
 - Stimuler la créativité et favoriser la mise en activité

Garder un lien humain et bienveillant avec nos élèves dans cette période si particulière à vivre 

 

• Matériel
 
 

Papier, outils de dessins, colle, scotchs, ciseaux, matériels de récupération… (selon ce que les élèves ont chez eux à disposition)

Smartphone avec appareil photo, Team up, mails pour communiquer avec l’enseignement et lire les feedbacks, régulation, conseils…peut également se faire avec l’adresse mail des parents pour les plus jeunes (9-10 éme) 

 

• Planning proposé aux élèves

 

Durant les premières semaines de l’enseignement à distance je propose à mes élèves une séquence d’environ 45 minutes par semaine de cours. Ils doivent me rendre leur travail pour le lundi de la semaine suivante. Par la suite je peux éventuellement proposer des séquences sur deux semaines pour éviter aux élèves une surcharge de travail.

 • Supports de cours. Moyen de transmission      
 
 

Les consignes et les supports de cours sont créés sur un fichier PDF avec parfois quelques liens cliquables sur des liens numériques de références culturelles ou de musée pour compléter une séquence. Chaque PDF est illustré par des exemples et des références artistiques et culturelles. Ce PDF est disponible chaque début de semaine pour les élèves sur la plateforme Team up. Les élèves peuvent poser des questions par mail à l’enseignant en cas de non-compréhension des consignes ou autres questions.

 

 Les travaux faits durant l’enseignement à distance ne seront pas évalués de manière sommative. Le feedback dans certains cas peut être considéré comme une évaluation formative. La sélection des dix meilleurs travaux par séquence représente une stimulation plutôt qu’une évaluation à proprement dite. Les qualités des travaux sélectionnés seront mises en avant par des commentaires et feedbacks. Il est arrivé que je doive compléter une consigne qui aurait été mal comprise par un mail de clarification. Mais certains élèves cherchaient parfois des excuses pour justifier le retard de leur rendu. Jusqu’à maintenant j’ai reçu environ 40-50% des travaux d’élève pour les premières séquences. Certains élèves se moquent des rendus et en discutant avec les maitres de classe il semblerait que ce soit général à toutes les branches. Certains enseignants n’insistent pas trop sur les non rendus. Mais on pourra discuter de l’attitude passive de l’élève durant le confinement, lors des conseils de classe de fin d’année. Mais je veux avant tout retenir l’attitude et la grande qualité des travaux rendus par la moitié des élèves. Je découvre certains aspects de la personnalité de mes élèves par leurs réalisations et par des commentaires plus personnels, accompagnant et argumentant leurs idées dans leur rendu.

 

Je me rends compte des acquis de certains de mes élèves à travers leurs propositions artistiques. Je favorise également la notion de plaisir dans mes séquences à distance. Certains parents m’ont félicité pour la qualité des séquences proposées en lien avec l’actualité. Je vois clairement la créativité, la curiosité, la prise de risque et l’implication des élèves dans leur rendu. Certains se révèlent en autonomie, en confiance, en plaisir à créer sans le regard de comparaison du groupe classe. Je pense que les élèves chez eux développent une autre approche des Arts Visuels. La prise de risque est plus grande. Leur liberté de création s’en ressent. Certains vont plus loin dans les recherches culturelles grâce à nos suggestions d’artistes. Ceci est très encourageant pour la suite de leur apprentissage de la discipline des arts visuels. 

 

L’enseignement à distance nous apporte de nouveaux savoirs et une nouvelle manière d’enseigner en essayant des choses, en utilisant le numérique à disposition. Ceci est très constructif pour notre expérience professionnelle et aussi personnelle. Les échanges, la collaboration et la mise en place des séquences avec mes autres collègues fut très riches en partage et précieuses en enseignements. On s’apportait mutuellement des idées et cela a engendré une belle dynamique entre nous. Et les réalisations de mes élèves m’ont apporté une satisfaction au-delà de mes attentes. Même si l’enseignement à distance et sa mise en place furent complexes, je me sens plus armé d’avoir expérimenté cela. Et cette violente crise va peut-être favoriser la mise en place rapidement des MITIC dans l’enseignement des établissements secondaires vaudois. Nous voyons clairement l’intérêt du numérique dans ce genre de situation. 

 

Durant ces séquences d’enseignements à distance, je me suis vite retrouvé confronté au droit à l’image pour les réalisations de mes élèves. Comment diffuser leur travail quand on voit de manière reconnaissables leur visage. C’est pour cela qu’une circulaire avec l’accord de la direction a été transmise aux parents et élèves pour qu’ils puissent donner ou pas leur accord de ce droit à l’image et à la diffusion.

 

Les documents de consigne transmis aux élèves ont été réfléchi pour être compris par tous les élèves. Chaque élève peut s’adresser par mail à son enseignant pour des compléments d’explication si besoin. L’enseignant se tient à disposition pour aider les élèves. Même en cas de difficulté à l’utilisation de matériel numériques. L’établissement peut éventuellement prêter des ordinateurs, si nécessaire. Les séquences demandées ont été réfléchies pour être accessibles et praticables par tous les élèves de tous les niveaux.  

 

Voici ci-dessous quelques traces des réalisations des élèves.