Au vu de la situation actuelle liée au COVID-19 et à l’enseignement à domicile, j’ai été amenée à revoir complètement la mise en œuvre de mon projet d’écriture collaborative. Premièrement, le logiciel Framapad, présenté préalablement aux élèves en classe, a montré ses limites en matière d’utilisation dans des conditions qui sont les nôtres actuellement. Le site étant surchargé, il était pratiquement impossible de se connecter. De plus, s’il nous était possible d’accéder au site après un long délai d’attente et beaucoup de patience, les administrateurs du site avaient publié un message à l’attention des utilisateurs de Framapad, demandant « aux personnes relevant de l’éducation nationale (profs, élèves, personnel administratif) de ne pas utiliser nos services durant le confinement ». De ce fait, l’utilisation du logiciel prévu initialement s’est révélée compromise. Il a fallu garder en tête que cette séquence MSTIC devait permettre aux élèves d’effectuer une tâche qui serait impossible à effectuer, dans les mêmes conditions, sans l’utilisation d’outils numériques. De plus, mes élèves étant des 11èmes années avec des examens à réviser, le programme d’histoire (discipline enseignée) étant particulièrement dense, je ne me voyais pas leur demander d’utiliser un logiciel surchargé, dont la connexion nécessitait de rafraîchir la page toutes les 3 minutes, pendant une durée indéterminée (il m’a fallu 45 minutes pour y arriver).
Afin de palier au problème, de pouvoir mettre en œuvre mon projet d’écriture collaborative et de pouvoir continuer l’enseignement avec mes élèves, j’ai décidé d’utiliser le service d’écriture en ligne proposé par Google. Ce dernier permet aux élèves d’avoir accès à un même document dans lequel chacun peut écrire son résumé et voir les productions des autres, en instantané. Pour cela, j’ai créé un Google doc et insérer le titre / sous-titres avec les prénoms des élèves concernés pour chaque section. J’ai ensuite écrit un texte d’introduction qui avait pour but de donner quelques consignes aux élèves quant à la mise en page (police recommandée, taille, interligne) le fonctionnement du document, et le respect à avoir vis-à-vis du travail d’autrui. J’ai également tourné une vidéo, en filmant mon écran d’ordinateur, afin de leur expliquer les différentes fonctions possibles. J’ai ensuite partagé mon Google doc, en envoyant aux apprenants une invitation par e-mail à rejoindre le document. Les élèves qui n’avaient pas d’ordinateur à disposition chez eux ont pu remplir un formulaire pour emprunter un MacBook de l’école. La gestion de cette séquence a bien entendu été différente que celle que j’avais planifiée. Au lieu de se dérouler en classe, par binôme, elle s’est déroulée à la maison, individuellement. Les élèves avaient une semaine (soit l’équivalent de 90 minutes en classe) pour lire le document et en produire une synthèse sur le Google doc. Une fois cela fait, chaque élève était chargé de relire la synthèse d’un autre camarade et de lui faire en retour dans une autre couleur. A la fin de la semaine, j’ai relu toutes les productions et ai écrit un commentaire, également dans une autre couleur (rouge lorsque des corrections étaient nécessaires et vert avec un ok lorsque tout était en ordre). Les élèves ont eu donc accès, à la fin du délai imparti, aux synthèses du chapitre d’histoire traité, et donc à la production collective finale. Afin de ne pas surcharger le document, car certains souhaitaient l'imprimer pour réviser, j'ai laissé uniquement les commentaires des élèves et j'ai transformé mon feedback en ok, une fois que l'élève avait tenu compte de mes remarques.
Bien que le logiciel utilisé ne fût pas mon premier choix, ce dernier a parfaitement joué le rôle de remplaçant. Il a permis d’arriver au même résultat, même si les moyens à disposition sont plus basiques. Il a fallu pour deux élèves créer une adresse e-mail Google (par exemple @gmail.com) afin de pouvoir modifier le document partagé et donc écrire leur synthèse. Pour information, j'ai créé moi-même ces adresses lorsque celles des parents ne fonctionnaient pas pour écrire dans le Google doc et ce, car les élèves ne savaient pas comment faire. J'ai utilisé un mot de passe standard (leur prénom suivi de 12345) et j'ai supprimé ces adresses e-mail à la fin du projet. Au-delà de ce problème, les élèves ont trouvé que l’utilisation du Google doc était relativement simple et qu’avec la vidéo que je leur avais envoyée, ils ont pu se débrouiller seul pour atteindre la tâche demandée.
Il m’est difficile de proposer des pistes d’amélioration qui soient viables dans les conditions qui sont les nôtres : enseignement à domicile. Néanmoins, il pourrait être intéressant, si le temps nous le permettait, de faire le même travail sur Framapad et de comparer les moyens de réalisation. En prenant compte notre expérience et l’avis des élèves nous pourrions rechercher quel outil numérique a été le plus simple à utiliser et pourquoi.
Éducation aux médias
Malheureusement, il a été plus difficile d’être performant concernant l’éducation aux médias dans les conditions liées à la réalisation de ce projet. J’espère néanmoins avoir réussi, par le biais de mes explications orales (vidéo) comme écrites (texte informatif), à participer à l’éducation aux médias de mes élèves. Concernant les droits d’auteurs et/ou le droit à l’image, je n’ai pas réellement été confrontée à ce problème dans ma séquence. Toutefois, j’ai demandé à mes élèves de créer leurs propres phrases pour leur synthèse et de ne pas faire de plagiat en recopiant celles du document sur lequel ils travaillent. Pour ce qui est de la prise en compte des différences entre les élèves, j’ai déjà en partie évoqué cette question dans mon avant-projet. Avec les modifications que j’ai dû faire en fonction des circonstances, il apparaît que la différenciation a également été adaptée. Les binômes formés au préalable en fonction des forces et faiblesses de chaque élève ont été supprimés. Chacun a dû faire sa propre synthèse. J’ai toutefois décidé de maintenir une différenciation dans les documents donnés aux apprenants. Cela s’apparente davantage à une différenciation disciplinaire (concernant l’histoire) plutôt qu’au niveau des MITIC. J’ai donné les documents les plus compliqués aux élèves qui présentent de solides compétences analytiques. J’ai gardé les documents les plus accessibles pour ceux qui ont davantage de difficultés, le but étant que chacun participe, selon ses capacités, à la production de la tâche finale. Dans la même logique, j’ai privilégié les cartes et images pour les élèves allophones.
2) Phase d’évaluation
EVALUATION
Pour cette section, il m’est quelque peu difficile d’analyser ce qui s’est produit étant donné que le travail a eu lieu à la maison. Je ne peux ainsi évaluer uniquement les échanges que j’ai eus avec mes élèves et la production (leur synthèse individuelle et le dossier final).
Comportement des élèves
De manière globale, j’ai remarqué que les élèves avaient tous bien joué le jeu. Je pense qu’il y a plusieurs raisons à cela. Tout d’abord cette tâche a été mise en place en même temps que l’enseignement à domicile. De ce fait, je pense que l’attrait de la nouveauté (l’enseignement à domicile), l’ennui lié au confinement, ainsi que le but de cet exercice (c’est-à-dire préparer leurs révisions de TS) ont favorisé l’engagement des apprenants. De plus, la dynamique de classe joue sans doute également un rôle. Cette dernière est appliquée et toujours motivée à travailler. J’ai été contente de constater que c’était aussi le cas lors de cette séquence. Les élèves ont également démontré leur capacité à collaborer et à s’entraider. Les discussions et explications qui ont été échangées entre eux le prouve. Finalement, je tiens à souligner que nous avions déjà procéder à des synthèses en vue de préparer des évaluations. Ainsi, cela pouvait s’apparenter à une routine qui avait été instaurée au sein du cours. De même, j’avais mis en place plusieurs exercices pour entraîner la collaboration, que ce soit par groupe, par binôme ou en collectif. Je pense que ces éléments ont contribué à la bonne attitude des élèves.
Posture enseignante
De manière générale, j’ai un excellent contact avec cette classe, bien que ce soit notre première année ensemble. De ce fait, je n’ai que peu de discipline à devoir faire. Les élèves font leur travail de façon consciencieuse et appliquée, tout en respectant les consignes et délais donnés. Je pense que ma posture a évolué au fil des étapes de la réalisation de cette séquence. Durant la première partie que je qualifierais de préparation, j’ai davantage été un guide qui a présenté aux élèves le projet d’écriture collaborative, le déroulement de séquence, ses objectifs et buts. J’ai présenté le logiciel et souligné l’importance de la collaboration dans ce genre de projet. Les élèves étaient attentifs et intéressés. Durant la deuxième étape qui a été la mise en place du projet, avec tous les changements que la situation d’enseignement à domicile impliquait, j’ai eu davantage le rôle de personne ressource (posture d’accompagnement) à qui les apprenants pouvaient s’adresser. Les élèves ont également eu ce rôle : certains avaient plus de facilité que les autres ce qui a permis une entraide au sein même de la communauté d’élèves. Finalement, durant la dernière étape, qui était celle de la relecture, j’ai davantage eu la posture de superviseur. En effet, cette étape comprenait la lecture des productions et la rédaction de commentaires afin de proposer aux élèves un feedback et des modifications lorsque cela était nécessaire. En résumé, ma posture a évolué au fil de la réalisation du projet, en fonction des tâches données aux élèves et du travail que je devais effectuer. Je ne pense pas avoir été plus permissive ou stricte que d’habitude, mais plutôt avoir inscrit mes différentes postures dans la continuité de ce que je faisais en classe.
Acquis disciplinaires, MITIC et transversaux
Concernant les acquis disciplinaire, les tâches demandées aux élèves (produire une synthèse d’un document, commenter le travail d’un camarade, le tout sur un Google doc) en vue de réaliser un projet d’écriture collaborative s’inscrivaient dans la préparation de révisions pour un TS. Le fait que les élèves doivent créer une synthèse d’un document vu ensemble est une sorte d’évaluation. En effet, cela me permet de découvrir si les apprenants ont compris le document, ont su utiliser leurs capacités d’analyse et de synthèse pour faire ressortir les éléments les plus pertinents. De plus, cela me donne l’occasion d’évaluer la qualité de leurs révisions. Souvent, nous réalisons que certains élèves ne savent pas comment réviser leur TS et ce, malgré les objectifs donnés. Ce travail peut m’aider à identifier les élèves qui ne maîtrisent pas encore l’analyse ou la synthèse de document, ainsi que la préparation d’un test. Le résultat de ce projet, un dossier de synthèse des documents abordés pour un chapitre d’histoire, sert également de support aux élèves, avec lequel ils peuvent réviser de manière sereine. Les travaux produits par les apprenants ont été vérifiés et modifiés si nécessaire. Ce n’est généralement pas le cas des résumés que les élèves produisent en vue de préparer un test.
Concernant les acquis MITIC, les élèves ont pu découvrir et se familiariser avec deux nouveaux outils : le logiciel Framapad et les Google docs. Afin de rédiger et partager leur production, les apprenants doivent utiliser les outils numériques présentés. De ce fait, je peux, en fonction du résultat de leur travail, évaluer s’ils maîtrisent ou non l’utilisation des nouvelles technologies présentées. Le fait de commenter le travail d’un pair permet également l’observation de la mise en pratique des conseils donnés au préalable.
Concernant les acquis transversaux, ils sont multiples :
- développement de stratégies de communication (en classe lors de la préparation et via un chat lors de la réalisation du projet)
- amélioration des capacités de collaboration (par binôme en classe) et d’entraide (en collectif lors de l’enseignement à domicile)
- mise en place de conversations porteuses d’apprentissage (conversations exploratoires), notamment par le biais de la collaboration, l’entraide mais aussi les feedbacks effectués par des pairs.
- développement de capacités de synthèse
Je me suis rendu compte que ce projet avait également permis de resserrer les liens entre les étudiants de cette classe, notamment grâce à l’entraide qu’ils se sont apportés mutuellement.
Évaluation de la pertinence de l’activité avec les MITIC
Beaucoup d’enseignants redoutaient l’enseignement à domicile. Tout le travail allait devoir se faire grâce aux outils numériques. Certains collègues avaient l’air angoissés à l’idée de devoir utiliser les MITIC pour s’en sortir. Toutefois, grâce au cours suivi à la HEP, cette étape ne s’est pas révélée aussi stressante pour moi. De plus, la situation a permis de démontrer toute l’utilité des outils numériques. En effet, la tâche proposée aux élèves dans le cadre du projet d’écriture collaborative n’aurait pas pu être réalisée sans le numérique. Il aurait été inimaginable que les élèves écrivent leur synthèse dans un cahier qu’ils se seraient envoyés par poste. Et même à ce stade, nous aurions eu besoin du numérique pour copier ou numériser les textes rédigés dans ce cahier afin que chacun obtienne un exemplaire du travail effectué. De ce fait, je ne peux que constater le caractère indispensable du numérique dans ma pratique d’enseignante et tout particulièrement en cette période d’enseignement à domicile. Il est également utile d’avoir plusieurs sites, plateformes qui offrent les mêmes services afin de pouvoir être en mesure de proposer un plan B en cas de saturation, de fermeture ou de bugs rencontrés chez l’un des hôtes. Grâce à cela, j’ai pu adapter la réalisation de mon projet et passer du logiciel Framapad à Google doc. En résumé, ce projet n’aurait pu être achevé sans les technologies numériques. Ces dernières ont facilité mon travail, ainsi que celui des élèves. Finalement, elles ont également permis à notre communauté scolaire de rester en contact, d’apporter notre aide aux apprenants et de les accompagner dans leur enseignement à domicile.
Partage hors de la communauté
J’ai uniquement partagé cette séquence avec deux de mes collègues d’histoire, avec certains des étudiants de la HEP, suivant le même cours que moi en didactique de l’histoire, ainsi qu’avec mon prafo.